JETEURS DE SORTS ET DESENVOUTEURS, T2, LE CHATIMENT, Paris, Ed Flammarion, 1999.

Changement d’univers dans ce second volet de l’étude des mondes sorciers. Cette fois-ci, l’auteur décrit l’étonnant périple d’un couple d’agriculteurs pris dans les filets d’un jeteur de sorts.

Les Hennec sont confrontés à une affolante succession de malheurs. Au fil des mois les machines se détraquent soudainement, les animaux présentent un comportement anormal puis sont atteints de maladies mystérieuses et les personnes perdent la santé sans que rien n’y fasse. Dès lors, vivre consiste à gérer l’angoisse du lendemain, ce jour où tout peut arriver, y compris le pire.

Pour l’éviter les paysans vont quérir les services d’un désenvoûteur dont l’auteur a fait connaissance quelques mois plus tôt. Un solide gaillard dont Dominique Camus nous narre le parcours dans le monde mystérieux qui l’amènera à découvrir ses dons, à les cultiver et, plus tard, à les exploiter, passant du maniement du pendule au magnétisme, à l’apprentissage des vertus occultes des plantes, des minéraux, des animaux, pour, à la finale, devenir une sorte de mercenaire du magique, un professionnel de la sorcellerie exerçant dans cet univers dangereux depuis plusieurs dizaines d’années.

Sous sa houlette l’ethnologue va lui aussi plonger dans ce monde redoutable et l’assister dans sa mission auprès des Hennec. Il rapporte par le détail comment, pendant les deux années que dura leur intervention, ils opérèrent pour protéger le couple, contrer les sortilèges et affronter leur adversaire. Un personnage qu’il fallut identifier (nous voyons comment se déroule l’indispensable personnification du jeteur de sorts) et qui n’apprécia nullement de voir ses projets contrariés.

Après une escalade inouie de la violence magique, qui vit la mort de l’un des protagonistes de l’affaire et qui mit en péril le chercheur -devenu assistant- et le désenvoûteur, celui-ci opte pour la lutte ouverte et, dès lors, se comporte comme son ennemi, comme un jeteur de sorts.

Dominique Camus dévoile alors ce second aspect -inédit- de la sorcellerie qui consiste à retourner les sorts : à châtier leur envoyeur. Là encore, l’ethnologue expose en détail les différentes procédures employées pour atteindre ce résultat (par exemple, nous assistons aux rituels de cueillette des herbes de la Saint Jean, d’enclouage de cœurs d’animaux…).

Mais cette terrible réalité du combat sorcier, dans laquelle l’auteur est malgré lui engagé, décuple les difficultés qu’il rencontre pour préserver une distance entre le drame et lui, entre le désensorceleur, toujours plus exigeant, et les rigueurs de l’observation scientifique.

“Le Châtiment” retrace cette incroyable immersion d’un universitaire dans le monde du magique, un périple brutal qui nous montre clairement à quel prix et à quelles conditions les pratiques sorcières peuvent être efficaces. Un parcours qui s’achèvera par la défaite irrémédiable de celui qui fût à l’origine du drame et qui malmena durement ses protagonistes.